Documents et histoire du Ponant

Sables du Ponant et de la Baie d’Aigues-Mortes

 

Les fondateurs de l’ARP avaient compris, dès l’origine que la qualité de vie du quartier Golf-Ponant, dépendrait étroitement de la bonne gestion de l’Etang. Creusé par dragage sur 280 hectares et 4 mètres de profondeur, l’étang du Ponant a non seulement fourni les sédiments sableux nécessaires à l’aménagement du socle de la Grande Motte. Il avait aussi pour vocation de jouer le rôle de déversoir de crues afin de sécuriser les caprices du Vidourle. Ses contours reprennent d’ailleurs ceux de l’ancienne Baie de Repaus utilisée au 13ème siècle comme avant-port, pour les besoins de la citadelle d’Aigues-Mortes.

 

Les recherches conduites par les géologues et les géographes spécialistes de cartes-portulans, permettent d’avoir une idée assez précise de ce que pouvait être la configuration côtière de notre espace littoral il y a 800 ans. Aujourd’hui la pression des médias nous rappelle la fragilité de nos écosystèmes littoraux exposés aux effets du changement climatique. S’il est un secteur où les enjeux sont à prendre en compte, c’est bien celui de notre patrimoine côtier : ses dunes, ses plages, ses infrastructures. La question de notre littoral tel qu’hérité de la Mission Racine doit être abordée à la lumière des évènements récents ou futurs, pour esquisser une vision de ce qui pourrait advenir dans notre 21° siècle fait d’évolutions rapides, parfois même d’emballements.

Le capital de sable de notre espace côtier

 

Notre précieux capital de sable blond provient des sédiments charriés par les fleuves depuis 6000 ans. Au 13ème siècle, la Baie du Repaus recevait encore les apports d’un bras du Rhône et son comblement posait des problèmes logistiques pour l’affrètement des navires partant vers l’Orient. Progressivement, la Baie s’est colmatée et, à partir du 16ème siècle, la flèche sableuse du Boucanet s’est refermée. Comme l’atteste la carte de Cassini,  Aigues-Mortes a été reliée à la mer par un chenal maritime à l’extrémité duquel s’est développé plus tard le Grau du Roi.

Le Vidourle a pris le relais du Rhône pour subvenir à l’apport de sédiments, mais il occasionnait de fréquentes inondations à son débouché coté Gard et coté Hérault. Le projet de la Mission Racine qui incluait la création des ports de plaisance de la Grande Motte, Port Camargue et Port Grégau n’aurait pu voir le jour sans l’endiguement  du Vidourle et  le rôle d’exutoire du Ponant.

Dans les faits, notre approvisionnement de sable, abondant tout au long du dernier millénaire, s’est considérablement amoindri depuis environ un siècle, Les ouvrages d’endiguements et les barrages de retenue ont fait passer l’apport sédimentaire du Rhône de 35 millions de m3 par an, à 8 millions de m3 seulement. Pour le Vidourle l’apport annuel de charges solides est aujourd’hui estimé à 120 mille m3 qui transitent pour l’essentiel dans l’étang du Ponant. Autant dire que la période d’abondance de sables est close. Jusqu’au 19ème siècle, tout notre linéaire côtier entre Palavas et l’Espiguette était en engraissement. Aujourd’hui 60% de ce linéaire sont soumis à l’érosion, 20 % se trouvent en situation d’équilibre et 15 % seulement en phase d’engraissement.

 

Nos réserves de sables dunaires et de sables immergés

 

Les dunes : Repris par les vents et les courants marins, les dépôts de sables forment un écosystème de dunes où figurent en bord de mer les dunes vives mobiles, puis en haut de plage les dunes bordières colonisées par la végétation pionnière qu’il faut protéger de ganivelles, enfin plus à l’intérieur, les dunes fossiles boisées où prospère le Pin Pignon (fig3)

Ces massifs jouent un rôle essentiel du point de vue de la qualité de vie. Par exemple en première ligne de rivage, ils constituent une barrière naturelle contre les intrusions marines. En zones urbanisées d’arrière-plan, les boisements protègent les résidences des excès du vent et du soleil. Ainsi, les pinèdes du quartier Golf-Ponant de la Grande Motte, celles du Boucanet ou encore celles du phare de l’Espiguette apportent aux promeneurs, cyclistes ou cavaliers les aménités qui, ajoutées à la finesse du sable blond de nos plages, valorisent grandement notre offre touristique. Les dunes de l’Espiguette de types sahariennes en forme de quart de croissant peuvent dépasser 10 mètres de hauteur. Façonnées par la mer et le vent, elles sont un exemple unique dans toute la côte méditerranéenne française.

 

Les sables immergés : Bien qu’entre Palavas et les Baronnets notre linéaire de côte ne soit que d’une quarantaine de kilomètres, la formation de courants parallèles au rivage génère des transports de sédiments connus sous le nom de transit littoral (voir fig.4)

La direction que va prendre ce transit est fonction de l’angle d’incidence selon lequel la houle atteint le galbe de la Baie. Il en résulte diverses conséquences. D’abord le sens de la dérive peut être inversé d’un endroit du littoral à l’autre et, entre deux dérives opposées,  il  y a obligatoirement  une zone d’équilibre où pertes et gains se compensent. Il faut donc s’attendre à ce que la réserve de sables immergés ne soit pas uniformément répartie. Et comme le ré-approvisionnement général de sable est tari, les zones érodées se vident au profit de celles en engraissement

Répartition des réserves de sable immergés (Services Maritimes 1985). Face à l’Espiguette la réserve s’étale jusqu’à plus de 2 kilomètres au large et atteint 8 mètres de profondeur de sable, devant la Grande Motte l’étalement s’arrête à environ 800 mètres au large et atteint 3 mètres de profondeur, alors qu’à l’Ouest de Palavas cette réserve se réduit à 200mètres au large et 50 cm de profondeur seulement

 

L’effet érosion/engraissement spectaculaire à l’Espiguette

Dans le massif de l’Espiguette, le secteur très vulnérable des Baronnets est soumis à une vitesse de recul de 13 mètres par an alors qu’à l’Ouest au niveau de la digue d’arrêt des sables de Port Camargue, construite en 1970, une imposante flèche de sable contourne désormais la digue et menace de colmater le chenal Sud. Le sable perdu par l’érosion à l’Est de la zone vient alimenter la pointe de l’Espiguette avec des volumes annuels de 250 000 m3. Les clichés présentés en figures 5 et 6, ont été pris lors d’un vol ARP effectué le 26 juin 2019.

 

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Fig.5 Erosion à l'Est des Baronnets
Fig. 6 Flèche face au chenal sud

La Grande Motte au point d’équilibre du transit littoral 

Le rivage de la Grande Motte se trouve au point d’équilibre du transit littoral. Il n’a pratiquement pas connu d’évolution au cours du dernier millénaire. Sur les Fig. 7 et 8 on voit l’exutoire de la Passe des Abîmes à 30 années.  Sans la construction d’une digue en sortie Est puis d’une seconde en sortie Ouest, l’ensablement aurait fermé la passe et la qualité des eaux dans l’étang du Ponant se serait rapidement dégradée à 30 années d’intervalle par insuffisance d’entrées maritimes. Les études du géologue Alain L’Homer confirment qu’entre le Boucanet et Le Grand Travers le littoral a, de tout temps, été stable.

 

Fig 7/8 : Rivage de La Grande Motte à 30 ans d’intervalle

La Passe des Abîmes

 

Nous disposons de clichés aériens de la passe des Abîmes pris en 1953 lors d’une mission d’étude des vestiges d’ouvrages côtiers laissés par l’armée allemande. A l’actuel emplacement de l’Hôtel de la Plage, l’envahisseur avait construit un bunker abritant un canon de 75 (Fig. 9). En 1962 puis 1963, au même endroit, d’autres clichés ont été pris lors de la construction du pont des Abîmes (Fig 10 et 11).  Ces documents attestent bien, que le tracé de la plage n’a pratiquement pas évolué par rapport à la situation actuelle.

Fig. 9 Cliché d’archives militaires 1953
Fig.10 Construction du pont des Abîmes 1962
Fig. 11 Cliché pont 1963

Depuis quelque temps en amont du Pont des Abîmes une flèche de sable fréquentée par les baigneurs se forme face à la berge gardoise, alors que vers la berge opposée, l’affouillement entre la pile du pont et la digue d’enrochement atteint près de 10 mètres de profondeur, ce qui justifie la vigilance par diagnostic Lidar. Les figures 12– 13 et 14, prises en juillet 2019 montrent respectivement : une vue aérienne de la passe des Abîmes et de son pont, la flèche de sable face au pont, fréquentée par les baigneurs et un pin érodé, au Sud de la presqu’îl

Fig. 12 Passe des Abîmes 2020
Fig 13 : Baignade sur flèche de sable
Fig. 14 Pin soumis à l’érosion

La leçon que l’on peut tirer de ces observations est que, même en zone d’équilibre sédimentaire, sur de courtes distances et dans un laps de temps de quelques mois seulement des phénomènes d’érosion ou de colmatage (accrétion), peuvent intervenir et nécessiter des interventions préventives. Mais globalement, l’histoire récente et ancienne montre que les risques et enjeux sont moindres à la Grande Motte que vers le littoral gardois d’une part, ou vers Carnon Palavas d’autre part, ce dernier secteur ayant bénéficié de rechargements de sables sans grand succès.

 

En conclusion, l’Association des Amis et Riverains du Ponant dispose d’un historique de clichés, dont de nombreuses couvertures aériennes, permettant d’évaluer les changements de configuration de nos plages. Une des urgences qui se fait jour, est le colmatage sableux de la passe des Abîmes qui gêne considérablement la navigation entre Port-Grégau et la mer. Le curage de cette passe doit intervenir sans tarder pour 1) faciliter l’évacuation des crues du Vidourle, 2) poursuivre sereinement les activités de voile légère et de glisse à l’occasion des entraînements olympiques des Jeux 2024, 3) éviter une dégradation de la qualité des eaux de l’étang du Ponant 4) offrir aux pêcheurs professionnels un accès sécurisé à l’étang.

Bernard Aubert dernière mise à jour juin 2022   

 

80 Allée de Port Ponant
Les Terrasses du Golf II
34280 La Grande Motte

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